Gringe qui se lance dans l‘écriture autobiographique ? Quand j’ai vu les premiers posts de sa promo pour Ensemble, on aboie en silence, je me suis dit “Nan, le gars, un an avant que je sois publiée, va sortir mon bouquin avant moi. C’est foutu.” Un type et son frère schizophrène : leur enfance, la prise de conscience, les déchirures et retrouvailles. Je me croyais unique et innovante, avec mon roman autobiographique arraché à l’encre de mes veines…

Et moi, alors ?
Du coup je n’ai pas acheté, et encore moins ouvert son livre avant janvier. Je voulais savoir comment il avait traité le sujet, mais j’avais peur de me comparer, et de trouver trop de ressemblances entre nos deux livres.
Heureusement, outre le fait que lui rappait sur scène pendant que je téléconseillais ou vendais des fruits et légumes, j’ai trouvé de nombreux points de dissemblance.
Bien sûr, rassurée, j’ai pris plus de plaisir, voire trouvé une certaine fierté à me retrouver dans certains de ses propos, et mon discours s’est alors transformé :
“Hey mec, tu ne le sais pas encore mais tu vas être mon frère. Je te présente ton beauf, ta nièce. Tu vas la kiffer, et ta nouvelle sœur tu vas pouvoir écrire un deuxième bouquin sur elle !”

Quelques tournures de chapitres en commun
En fait ça fait même carrément du bien de voir couchés sur la papier par quelqu’un qui est pile dans la même position que toi, les moments d’incompréhension sur la maladie elle-même et sur comment ton frère ou ta sœur peut en jouer, ou bien se limiter encore plus en se sachant malade.
“Thibault voit tout et entend tout. Et je refuse qu’on ne voie plus en lui qu’un symptôme. Ça le dépossède de sa personne, ça le dépossède de son histoire.
Extrait de Ensemble, on aboie en silence de Gringe.
Et les deux sont bien trop belles.”
Très tôt j’avais appris à tenir compte des voix et délires de ma mère, puis de ma sœur plutôt que d’essayer de les convaincre que c’était faux. Alors j’adore quand Gringe se demande s’il va pas négocier lui-même en direct avec les voix pour qu’elles acceptent d’écrire ce témoignage ! Tu sens qu’il a (plus que moi) réfléchi l’existence de la partie immergée de son frère. Malade ou pas, on s’en fout, de toute façon on n’a pas assez de vocabulaire pour appréhender l’univers de la personne avec qui on a grandi.

J’aurais voulu écrire son “Je suis le grand frère que je ne souhaite à personne”
Le truc qu’on retrouve dans les témoignages de proches de personnes malades, c’est cette fichue culpabilité. Et là je suis jalouse de ce début de chapitre d’Ensemble on aboie en silence :
“- Le syndrome du survivant –
Une souffrance insidieuse, permanente, usante. De celle qui vous terrasse et ravage tout autour, vous fauche dans votre élan. De celle qui falsifie votre perception des choses, altère jusqu’à votre identité.”
Si un jour je rencontre Gringe, je lui demanderai, si sa pudeur m’y autorise, s’il a mis en place des stratagèmes pour éviter de faire culpabiliser son frère. Est-ce qu’il a essayé de lui cacher sa propre souffrance ? En lisant entre les lignes, je dirais que oui, mais j’ai peur de projeter sur lui mes propres constructions.

“Si je mettais un point d’honneur à vouloir te protéger des dangers du monde, la vérité c’est que j’étais agité; Trop agité. […] Et, dans l’intimité de nos rapports, qui pouvait te protéger de moi ?”
Non ça va je n’ai pas plagié. Je pense que pour définir le plagiat on doit tenir compte de l’intention de la personne. Et pour le moment, personne n’a déposé un brevet pour la schizophrénie ? C’est bon je peux continuer 🙂
GRINGE, Ensemble on aboie en silence, Harper Collins, 16,5 balles.