Je suis une putain d’auteure.

Je ne sais pas exactement quand je suis passée de fille qui a la tchatche (raconter pour me libérer, pour faire rire les amis, pour convaincre…) à écrivaine. Aujourd’hui encore, bien que ce site soit né d’une envie de partager autour de l’écriture, il va falloir attendre que ma webdesigneuse/meilleure amie me rappelle que si je ne me définis pas officiellement comme auteure, ça se fera pas tout seul !
Cette capacité à faire naître de quelques syllabes une révolution
J’avais toujours été lectrice. Parfois j’imaginais la fierté que j’aurais eue à trouver ou créer telle formule insolente ou poétique, c’est ce qui me fait vibrer. Je ne suis pas mélomane du tout. Quand j’écoute une chanson, c’est à peine si je remarque le rythme ou la mélodie. J’attends qu’elle délivre un message politique, si possible rebelle auquel je puisse m’identifier.

Des textes punks, de la dénonciation, de l’humour, peu importe. Mais toujours des mots qui insultent, blessent, témoignent.
C’est un truc que j’admire chez ceux qui prennent la parole, et c’est comme ça que j’ai longtemps sacralisé cette capacité à faire naître de quelques syllabes une énergie, des rêves, une révolution !
« Tu devrais écrire un livre« , « Les gens doivent croire que tu es une mytho »
Moi à côté, je grogne, je trépigne et je pleure. C’est comme ça que je communique ! Quelle frustration de ne pas savoir écrire du beau, réveiller chez autrui l’émotion d’un récit construit et bien conjugué ! Je manque de classe comme d’assurance, je sais vendre mais pas séduire. Et si parfois je brille, c’est que j’ai picolé ou que les mots se sont mis eux-même de la sorte.
Je n’ai aucun contrôle, aucune maîtrise et je dis trop de gros mots.

Je me souviens que l’idée d’écrire s’est pourtant manifestée assez tôt, mais n’a été acceptable qu’après plusieurs remarques : « mais sérieux tu devrais écrire un livre ! » ou : « les gens doivent croire que tu es une mytho » et voilà déjà mon intrigue sur un plateau d’argent !
« Je vais écrire sur ce que je connais, et mes personnages seront imparfaits, comme ma vie. »
Un jour, une de ces filles que j’envie pour sa prestance et son talent m’offre le tome 1 de L’amie prodigieuse, d’Elena Ferrante. L’histoire me plaît, mais au-delà de ça, je me questionne sur la possibilité d’écrire sur une relation ; ses méandres et les intentions de chacun, et non un événement ou de l’action.
Le rythme tient aux émotions des protagonistes, aux étapes de leurs vies. Il n’y a pas un but à proprement parler, l’intrigue ne se déroule pas autour d’une quête et on se fout de savoir qui gagne.
On regarde le style de combat, les choses qui se vivent à l’intérieur de soi. Je comprends alors : je ne vais pas me lancer dans un roman policier. Je vais écrire sur ce que je connais : mes défauts et faiblesses, et mes personnages seront imparfaits. Comme mon texte, comme ma vie.

Mon premier livre, cette revanche
Pour mon premier livre, je crois que mon moteur le plus puissant aura été la jalousie. Un petit besoin de vengeance. L’envie de chercher en moi quelque chose de jamais vécu, jamais retranscrit.
Par chance, ma vie a été chargée de combats, j’ai vu mon destin arriver, j’ai dit non. Penser aux filles parfaites que j’enviais au lycée, me lancer dans un concours avec elles sans qu’elles le sachent, imaginer pouvoir les doubler avec mes mots !
Faire de mon incapacité à écrire des trucs romantiques, politiquement « stylés ». Je ne suis ni gracieuse ni élégante, et il ne sera plus question d’être désolée pour ça !

Écrire mon parcours, vous faire tester ma vie, et voir comment vous vous en tirez
Quand je me suis lancée, je pensais sincèrement que ça serait juste pour moi. Après quelques mois chez la psy, les expressions, moments de colère et prises de conscience dansaient dans ma tête toute la journées entre les rayons de l’épicerie où je bossais.
J’avais la matière, l’envie se faisait de plus en plus consciente et en même temps, de moins en moins ridicule. Un besoin, des préliminaires obsédants, et un jour c’est décidé, il faut tester le mécanisme, voir si j’arrive à quelque chose.
Pas forcément une œuvre à montrer, assumer et défendre, juste des lignes dans lesquelles je pourrais me reconnaître.

J’ai commencé à écrire mon parcours, comme pour dire, une seule et unique fois :
Ok, je ne suis pas comme vous. En terme d’intégration sociale ça serait déjà une fierté de vous arriver à la cheville. Mais venez, testez mon bordel et on va voir comment vous vous en tirez !
Je voulais à la fois me pardonner de ne pas en être arrivée au même point que les autres, et me prouver que c’était tant mieux. Que ma place n’avait pas encore été inventée.